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Le pervers narcissique, un héros de roman fascinant.


«Les filles de Loth», mon prochain roman, aura pour héros un pervers narcissique. Rien de plus fascinant que celui qui ne vit qu'au dépens de celui qu'il exploite.

Du vicomte de Valmont dans les "Liaisons dangereuses" de Choderlos de laclos (1792) à l'Alexis Vronski qui pousse Anna Karénine au suicide, du Solal de "Belle du seigneur" au Vincent Cassel de "Mon roi" (2016), les pervers narcissiques abondent en littérature, au théâtre et au cinéma.

Ils existent aussi malheureusement en chair et en os dans la vraie vie provoquant sur leur passage d'énormes dégâts psychologiques. A l'heure où Bertrand Cantat fait la une des journaux, il est intéressant de s'interroger sur une société qui érige les pervers narcissiques en victimes, semble les absoudre de leurs crimes, comme si l'anormalité implacable, le manque d'empathie et la prédation étaient et demeurait un puissant vecteur de fascination. Pourquoi ? Pour deux raisons probablement :

La première, l'incrédulité face au mal absolu, une noirceur impensable, des "Noirs désirs" (Bertrand Cantat n'avait-il pas annoncé la couleur en choisissant ce nom pour son groupe) incroyable, qui sidère et mène les pauvres névrosés, spectateurs et parfois victimes, que nous sommes, aux limites de "l'humanité"... Le PN est il encore un être humain ? Ou à l'inverse, la perversité ne serait-elle pas le propre de l'humanité ? Le Pervers narcissique représente, en quelque sorte notre pire cauchemar, un thriller ambulant, un gouffre impensable, insondable, inacceptable, notre confrontation au trou noir, aux limites qui séparent l'homme debout, du tueur, du bourreau. Le Pn, c'est le spectacle en marche d'une tragédie, d'un univers de désolation qui s'annonce.

Seconde raison à cette fascination ? Il est le contre exemple absolu de tout ce qui a construit une éducation classique : respect, solidarité, empathie, travail, valeurs, volonté de faire de son mieux... Une discipline de vie souvent difficile à tenir, contraignante, exigeante et pas toujours garante de succès quand tout semble réussir au PN, ce chauffard sans limites lancé à contre sens sur l'autoroute, bourré, dégageant sur son passage des automobilistes scrupuleux, respectueux des règles, des feux rouges et des sens interdits ... Réussite oui en effet, souvent fulgurante car au volant d'un bolide freiné ni par des règles, ni par la raison du pilote. Réussite sociale, matérielle,... pouvoir, contrôle. Réussite illusoire... La déchéance du PN est souvent aussi rapide que son ascension de prédateur : brutale, redoutable, implacable. Au bout de sa route folle, l'impasse, le mur, l'accident violent, souvent fatal...

Qu'est-ce qu'un pervers narcissique ?

L'expression pervers narcissique est utilisée en psychopathologie pour désigner les individus présentant une personnalité marquée à la fois par un narcissisme exacerbé et des traits de perversion morale. L'individu atteint de perversion narcissique à travers ses conduites et les modalités relationnelles particulières qu'il va mettre en place avec les autres, cherche à devenir le "maître" de la relation, à assujettir l'autre, à l'utiliser soit comme un objet sexuel, soi comme un instrument de valorisation, soit pour son argent, ses relations, pour la reconnaissance qu'il lui procure, ce qui a de graves conséquences pour ses victimes, lesquels, de sujets deviennent objets.

Cette expression fait appel à deux concepts psychanalytiques :

- Le narcissisme, qui est l'amour de soi, une composante normale de la personnalité. Cependant dans certains cas, le sujet peut se fixer affectivement sur lui-même : on parle alors de trouble de la personnalité narcissique. Le besoin d'être admiré est constant, associé à un manque d'empathie ou plutôt une empathie démesurée en direction de son entourage, qui est en fait complètement feinte.

- La perversion morale qui correspond à un type de personnalité particulier tendant vers la satisfaction de ses désirs aux dépends des autres, qui vont être manipulés et dont les besoins sont niés. Personne n'est épargné, conjoints, amis, enfants, n'existent que tant qu'ils permettent au manipulateur de se valoriser.

Absence de scrupules

Le pervers narcissique est souvent un individu relativement intelligent et bon psychologue. Dépourvu de valeurs morales, il n'a ni états d'âme, ni remords ou problèmes de conscience. Ce manque absolu de scrupule déroute d'abord ses victimes -c'est à dire les personnes qu'il manipule- tant elles ont du mal à y croire. En fait, il a un total mépris pour toute loi ou contrainte morale. Sa morale est, le plus souvent, celle de la loi du plus fort et/ou du plus rusé, du plus retord. Il y a le plus souvent, dans son comportement, la banalisation du mal et une certaine " relativisation " de la morale en tout cas, dans les affaires qui le concernent. Il n’a de respect que pour les gens plus forts que lui, ayant plus de pouvoir et de richesse, ou plus combatifs que lui. Seuls les résultats comptent : " la fin justifie les moyens ". Le pervers narcissique n'éprouve aucun respect pour les autres, qu'il considère comme des objets utiles à ses besoins de pouvoir, d'autorité, ou servant ses intérêts : ne pas être seul (il ne peut supporter de se retrouver seul face à lui même, et pour cause), se faire de nouveaux clients, une nouvelle sphère de courtisans. Il fait des promesses qu’il ne tiendra pas, sachant que " les promesses n’engagent que ceux qui y croient ". Pris sur le fait, il est capable de nier avec un aplomb hors du commun...


Egoïsme forcené

Charité bien ordonnée commence toujours par soi-même. Son unique but et objectif est d’obtenir un bénéfice pour sa propre personne. Il essaye de profiter à chaque instant de toute opportunité, de toutes les situations, de toutes les personnes rencontrées pour en tirer avantage. Sa philosophie est toujours utilitariste. Et il sait ménager ceux dont il a besoin, son conjoint, une relation de travail… Jusqu'au jour où il n'en a plus besoin. La mise à mort peut alors commencer. Il s'en débarrassera alors sans le moindre scrupule. Le pervers narcissique n'est courageux que quand il est sûr de gagner et que son environnement va dans le sens du renforcement gratifiant de son image narcissique. Sinon, il fait preuve d’une extrême prudence. Lors du naufrage du Titanic, il sera le premier à monter dans les canots de sauvetage avant femmes et enfants sous les prétextes les plus fallacieux -vérifier qu'ils sont solides-. La notion d’honneur ou d’élégance morale lui est totalement inaccessible bien qu'il aime à se faire passer pour un défenseur des grandes causes... Au fond de lui, il a peur. C'est un lâche.

Comme pour tous les narcissiques, tout lui est dû. Il n'admet aucune mise en cause et aucun reproche. Sa loi est celle de ses désirs immédiats, dans l'instant. Tout doit lui céder systématiquement. C’est comme s’il était demeuré, à l’âge adulte, un enfant gâté "un enfant qui n'atteindra jamais l'âge adulte". Par exemple, un petit bobo prend chez lui de graves proportions. Un rhume se transforme en cancer en phase terminal. Dès lors, le monde ne peut que s'arrêter de tourner dans l'attente de sa guérison.

Absence de compassion

Les pervers narcissiques sont incapables d’aimer les autres. Dans leur immense majorité, ils n’ont aucune humanité, aucun état d’âme, aucun affect. Ils sont froids et calculateurs, totalement indifférents à la souffrance d’autrui.

Mais tout en étant, le plus souvent, incapables d’avoir des sentiments humains, les pervers narcissiques simuleront à la perfection le fait d’être remplis de bons sentiments. Les pervers peuvent se passionner pour une personne, une activité ou une idée, mais ces flambées restent très superficielles. En fait, ils sont vides et creux et comme le coucou s'installent dans la maison, les passions du voisin. Les sentiments de tristesse ou de deuil leur sont étrangers). Quand un pervers reçoit une blessure narcissique (défaite, rejet), il ressent un désir illimité d'obtenir une revanche. Ce n'est pas, comme chez un individu coléreux, une réaction passagère et brouillonne, c'est une rancune inflexible, implacable, à laquelle le pervers applique toutes ses forces et ses capacités de raisonnement. Et alors, il n’aura de cesse d’assouvir son dessein de vengeance.


Fausse générosité

Il donne... "à voir"... (cadeaux, compliments, viles flâneries...) Au début de sa relation, sa générosité peut sembler incroyable, d'ailleurs il n'a de cesse de vous faire remarquer combien il sait vous gâter. Derrière le don, la volonté d'emprise. Le Pervers narcissique ne donne pas, il ferre, il investit. Il saura en temps utile vous présenter l'addition chère, salée. En pillant ses victimes, il saura vite "rembourser" l'apport initial qu'il aura consenti. Le Pervers narcissique ne joue jamais à perte.

Haine et agressivité

Le pervers narcissique a souvent besoin de haïr pour exister. C'est une des raisons pour lesquelles il n’est jamais satisfait par quoi que ce soit (les autres, les objets …). La haine peut être chez lui un moteur très puissant de son action et de son comportement. Étant incapable d'aimer, il essaie de détruire, par cynisme, la simplicité de toute relation naturelle et saine. Prisonnier de son propre personnage et de l’image, le plus souvent factice, qu’il présente à la société, le pervers narcissique tente de détruire la liberté d’autrui et de lui imposer des contraintes décidées par lui. Il y a, chez lui, une mentalité agressive d’envie, de convoitise, d'irritation haineuse à la vue du bonheur, des avantages d'autrui. Pour s'accepter et s’affirmer, le pervers narcissique doit triompher de quelqu'un d'autre, le détruire, jouissant alors de sa souffrance. Cette perception, de ce qu’il croit ne pas posséder, est subjective, elle peut même être délirante. Ce sentiment d'infériorité vis-à-vis de la personne enviée et haïe le pousse à chercher à posséder ce qui est convoité. Pour combler l'écart qui le sépare de l'objet de sa convoitise, il lui suffit alors de l'humilier, de l'avilir. Les pervers narcissiques aiment attendre dans l’ombre, masqués. Certains calculent leur coup ou leur vengeance très longtemps à l’avance, parfois sur plusieurs années (pour eux la vengeance est un plat qui se mange froid et ils aiment à s’en délecter). C’est la raison pour laquelle ils peuvent être redoutables et imprévisibles. Et d’ailleurs, ils sont le plus souvent imprévisibles.


Mensonge

Le pervers narcissique est toujours, intérieurement, dans la peau d’un autre. Il n'est jamais sincère. Il peut aussi bien dire la vérité que mentir avec aplomb, d’une façon jusqu’au-boutiste (comme un " arracheur de dent ". Le plus souvent, il effectue de sensibles falsifications de la vérité, qu'on ne peut pas vraiment qualifier de constructions délirantes. Mélanger le mensonge, la sincérité et la franchise - ce qui est, pour les autres, très déstabilisant - fait partie de son jeu.

Mythomanie

Le pervers narcissique a souvent une composante mythomane. Elle est liée à sa propension au mensonge - une composante opérationnelle, consciente, pour parvenir plus facilement à ses fins - et à un besoin de se voir mieux qu’il n'est dans la réalité. Il aime se mentir à lui-même, sur lui-même. Le déni (de ses défauts, de l'autre) lui permet de "s'aimer" (et de s’aimer toujours plus). Comme tout mythomane, il ment souvent parce qu'il craint la réaction négative de l’entourage (de dévalorisation, par exemple) qu'entraînerait l'aveu de la réalité et de son mensonge. Sa mythomanie a tendance alors à s’auto-entretenir, sans fin, voire à se renforcer au cours du temps. Le pervers narcissique est un " comédien né ". Ses mensonges à force d’entraînement sont devenus chez lui une seconde nature. Sa palette de personnalités, de personnages, d’émotions feintes est étonnante. L’éventail de son jeu d’acteur est infini, sans cesse renouvelé. Le pervers narcissique est en général apprécié au premier abord car il paraît extraverti, sympathique et séduisant. Assez fin psychologue, il a souvent un talent pour retourner l’opinion en sa faveur et emporter l’adhésion à ses idées, même les plus contestables.


Orgueil et combativité

Le pervers narcissique est le plus souvent doté d’une combativité extrême et d’une capacité de rebond remarquable. Sa mégalomanie, son narcissisme, voire sa paranoïa, renforcent cette combativité. Souvent immensément orgueilleux, le pervers narcissique aime gagner, à tout prix, sans fin, et ne peut admettre, une seule fois, un échec. Il est prêt à tout, même aux coups les plus retords, pour ne jamais perdre. Le pervers est comme un enfant gâté. S’il ne rencontre pas de résistance, il ira toujours plus loin. A la longue cette tendance, qui peut lui assurer une dynamique du succès pendant un certain temps, devient une addiction. Signe de sa mégalomanie, elle la renforce en retour, et l'amène à ne plus pouvoir tolérer la moindre frustration ou contradiction. Le pervers narcissique adore se valoriser, paraître plus qu’il n’est réellement. Toute atteinte à la haute image qu’il a de lui même le rend très méchant, agressif. Tous ses efforts viseront alors à rétablir cette image flatteuse qu’il a de lui-même, et ce par tous les moyens, y compris par la destruction du perturbateur, celui qui a commis le crime de lèse-majesté. Il a une très haute opinion de lui-même. Les autres sont pour lui quantités négligeables - ce sont des larbins, des domestiques, des " peanuts "... Il déteste qu’on lui fasse de l’ombre, qu’on se mette en avant, qu’on prenne de l’ascendant sur lui, qu’on lui résiste, qu’on lui dise non. Il a besoin sans cesse de rabaisser autrui, par une petite pique de-ci de-là (un tel n’a pas de personnalité, un tel est égoïste, un tel est ingrat, un tel est pingre…).

Mesquinerie

On est parfois surpris de découvrir, derrière son apparence généreuse, brillante ou intelligente, un esprit mesquin, terriblement jaloux, rancunier, vengeur, d'une indéniable petitesse morale. Ses buts "nobles" et "généreux" se révèlent alors nettement moins nobles qu’il y paraissait au premier abord.

Enfin certains comportements déroutants du pervers narcissique peuvent être l'indicateur d’un début de psychose ou de démence précoce...



Sources : Philippe Vergnes

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